Le recoin silencieux et la scène vide
Peter Hammill
1974


Modern
Wilhelmina
The Lie (Bernini's Saint Theresa)
Forsaken Gardens

Rain, 3 AM (paru en 1993 sur la compilation The Calm)
Red Shift
Rubicon
A Louse Is Not A Home

Discographieo
SOMMAIRE PROG
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Moderne

Jéricho est bien étrange,
Son coeur tressaille de vie,
Elle pousse les gens à se rassembler
Et, simultanément, à s'entredéchirer ...
Les fondations se sont écroulées dans la cité,
A l'intérieur des portes barricadées;
Se cachant derrière les murs,
Si seuls quand tombe la nuit,
Les gens attendent peut-être les trompettes.

Babylone est bien étrange,
C'est la septième merveille du monde :
Des jardins aux couleurs resplendissantes
S'y décomposent lentement dans la crasse.
Avec ta tête en feu,
Tu ne sais vraiment rien voir.
Les jardins suspendus chantonnent,
Mais avec une intonation caverneuse.
La vie est fausse,
Elle est en train de me tuer.

Ne regarde pas derrière toi
Ou tu seras changé en pierre;
Regarde autour de toi avant que ta vie
Ne soit recouverte de plaques de béton.
Les yeux pénétrants te poignardent dans le dos
Entre les rideaux de chintz,
Ils luisent, mais restent anonymes ...
A l'instar des pensionnaires des asiles,
Tous les citoyens sont contagieusement fous ...

L'Atlantide est bien étrange,
C'est l'explosion d'une époque :
Personne ne sait vraiment quoi faire
Et la cité est une cage,
Elle me piège dans ses journées grisâtres
Et ses tours de béton,
Elle m'emprisonne dans l'ordre social.
La ville perd ses moyens,
La folie s'empare d'elle aujourd'hui ...
Je ne peux vivre sous l'eau.


Wilhelmina

Willie ... que puis-je te dire
Pour rester authentique dans ta vie qui change ?
Tu es entrée dans un monde cruel;
De petites filles peuvent perdre leur chemin
Dans la nuit grandissante ...
J'espère que tu seras parfaite.

Willie ... essaie de rester encore un enfant,
Tant que tu sentiras que tu peux apprendre.
Les bébés deviennent tous des adultes
Et les adultes peuvent vraiment être étranges;
Ils changent et provoquent ainsi de la souffrance.

Essaie de bien te conduire avec tes parents,
Car ils s'occupent de toi.
Que peux-tu faire de plus ?
Quand tu rencontreras tes amoureux,
Sois bonne avec eux
Comme tu espères qu'ils le seront avec toi.
Sois honnête, sois vraie.

Willie ... tu es le futur;
Toutes nos vies reposent finalement dans tes mains.
La vie est dure actuellement;
Tu sais qu'elle deviendra encore plus difficile
Et que l'espoir ne tient qu'à un fil :
Nous te le disons en espérant que tu comprendras.

Nous savons que nous nous y prenons mal,
Nous ne sommes pas si forts
Et pas rassurés du tout;
Nous tâtonnons dans notre obscurité,
Nous pouvons paraître grands à présent,
Mais, en réalité, nous sommes si petits et seuls,
A la recherche d'un foyer dans la nuit.

En attendant, tu es toujours un bébé;
Tu seras une femme suffisamment tôt
Et tu ressentiras alors la brûlure.
Retiens donc mes paroles :
Les adultes deviennent tous des méchants enfants,
Ils sont vraiment si cruels, ce sont des fous furieux !
Contente-toi de suivre tes propres règles.

Ne me prends pas pour un sot, Willie,
Si je te dis espérer qu'il existe de l'espoir pour toi.


Le mensonge (Sainte Thérèse du Bernin)

Génuflexion, érection dans l'église.
Soutane, linceul mangé par les mites.
Silence secret, secrets sacrés
Qui accumulent de la poussière
Et exaspèrent le regard.

Rire imprudent après la confession.
Bénédiction, peur fictive.
Visages cachés ... La Grâce est un nom,
Comme Chasteté, comme Lucifer, comme le mien.

Tu m'as saisi au travers du vitrail,
Noyé d'images, d'encens,
De refrains de choeur et de douce extase.
Je t'embrasserais
Si seulement je connaissais ton nom.

Le recoin silencieux hante mes prières d'ombre.
Statue froide comme glace, ravissement divin,
Les yeux inconscients, la bouche ouverte,
La plaie d'amour, le mensonge.

Tu m'as pris, tu m'as donné des raisons
Pour les saints, les missels, les vigiles,
Tous les plus sacrés martyrs.
Je pourrais t'embrasser
Et franchir la porte à sens unique.

Je t'embrasserais bien,
Mais ce ne serait qu'un autre mensonge.


Jardins abandonnés

Où sont parties toutes les joies du passé ?
Où se trouvent désormais le bonheur
Et les rires que nous partagions ?
Ils se sont envolés comme les rêves,
Aspirations et croyances de notre enfance

Le temps est un voleur qui ravage nos jardins,
Dénudant les jeunes plants, abattant les arbres,
Piétinant les fleurs,
Suçant la sève et desséchant les graines.
A la lumière des chandelles du minuit de l'expérience,
Chaque couleur est déteinte,
Des doigts verts deviennent gris.

Le temps, en solitaire, assassinera toutes les fleurs,
Il n'est toutefois pas trop tard pour partager
Nos lopins de terre
Et tout ce que nous disons "à nous".
Combien pire seait-ce
Si nous allions tous nier nos besoins réciproques
Et continuer à faire de nos jardins des propriétés privées ?

Il fait plus froid,
Le vent et la pluie laissent des entailles;
Si je regarde derrière moi,
Je vois seulement les amis que j'ai perdus.
Des feux couvent sous les cendres
Que fouillent mes mains sales
Mon esprit est engourdi,
J'évalue le coût de mon ego :

"Je dois réussir,
Je dois entretenir mon jardin;
Je dois vous en mettre dehors,
Je ne peux même plus implorer votre pardon !"

Je vois à présent que le jardin que j'ai cultivé
Est absolument pareil aux autres;
Les clôtures, érigées pour se protéger,
Simplement divisent ...

Partout, tout est en ruines,
Les intempéries ont dévasté le gazon ...
Quelqu'un croit-il
Que son jardin va vraiment tenir le coup ?
Dans le laps de temps qui nous est accordé,
Quelqu'un peut-il garder son bien comme un avare ?
Une croissance solitaire est-elle source de joie ?

Venez voir mon jardin si vous le désirez,
J'aimerais que quelqu'un le voie
Avant que les racines ne soient toutes mortes.
Il est désormais grand temps
D'ouvrir chaque vie à l'universel,
Détruisez donc les murs,
S'il n'est pas déjà trop tard !

Il y a tant de tristesse dans le monde,
Tant de vanité et de coeurs brisés,
Tant de souffrance (et de honte).
Quelque part sur la route,
Nous avons tous pris un mauvais tournant ...
Comment reconstituer le bon chemin ?

Dans la peine, dans la douleur,
Nos fleurs ont toutes besoin
De la pluie qui tombe sur les autres ...


Marée rouge

Jadis, toutes les étoiles brillaient dans le ciel,
A présent, elles sont rouges, en train de mourir
Les couleurs que nous portions,
Les teintes que nous aimions se sont toutes modifiées
L'or est devenu rouge en un rien de temps.

La Marée Rouge s'éloigne de moi,
Elle disperse tout loin de nous.

Jadis, les constellations étaient sacrées,
L'obscurité se répand désormais dans les plus anciennes
Sous le choc de l'implosion,
Chaque soleil, hier doré, est devenu rouge
L'espoir n'est qu'un mot
Sans la moindre place pour se faire des reproches.

La Marée Rouge est désormais déplacée
Dans le temps et la relativité.

Me voici donc ici
Alors que je pourrais être en harmonie avec moi-même,
Je m'écroule en profondeur,
Jusqu'à la jante de ma roue.
Est-ce du chiqué ?
Le monde a-t-il une signification ?

Plus on en sait,
Plus grande est la confusion :
Les étoiles sont comme des atomes
Et les atomes sont des échantillons
Probablement qu'à la fin,
Tout cela n'aura été qu'un rêve ...

Le temps s'est bloqué sur la matière négative,
Toutes les théories volent en éclats sous son poids.
Bienheureux soit l'homme qui croit
Que le monde est un rêve
Où toute cause est la destinée.

Le temps se remet en marche sans mesure,
Le regard se déplace sans rime,
Et je suis une chanson
Dans les profondeurs des galaxies.

La Marée Rouge emporte mon bon sens ...


Rubicon

Je me couche auprès de toi :
Je suis une licorne,
Tu es une jeune fille vierge,
Et je rentre dans le jeu de rires
Mais peut-être pour m'en protéger.

Risque un coup d'oeil à l'arrière-plan :
Je suis un personnage dans le jeu.
Les mots que je bredouille sont préordonnés,
Nous les connaissons de toute façon.

Ne change pas ton esprit,
Ne sois pas volage;
Ne simule pas quelque chose de faux.

Ouvre la boîte à jouets :
Tu es Pandore, je suis le Monde.

Si tu franchis la rivière,
Tu ne pourras jamais revenir en arrière;
Si tu restes sur place,
Tu en brûleras certainement d'envie.

Ne change pas ton esprit
Ne viens pas avec des yeux d'orchidée;
Ne camoufle pas la peur que tu ressens,
Elle est réelle
Et tu dois protéger les fossés de ton château
Car je suis le loup solitaire
Et le sanglier aux abois.

Accorde-moi ta Paix,
Tu sais qu'on ne vit qu'un jour à la fois,
Jusqu'au moment de se dire au revoir.
Cela en prend du temps pour se noyer,
Il en faut aussi énormément pour suffoquer
Sur l'odeur que tu as rejetée.


Un pou n'est pas un foyer

Le miroir sur le palier

Parfois, c'est ici vraiment épouvantable,
Parfois, il y fait bien triste,
Parfois, je m'attends à disparaître;
Souvent, je crois que c'est arrivé.

Une fissure serpente mon miroir,
Le verre en éclats déforme mon visage
Bien que la lumière soit forte et bizarre,
Elle ne peut éclairer les recoins moisis de cet endroit.

Un haut château, isolé et "Lohengrinique"
Se trouve dans les nuages;
J'y puise mes intentions ténébreuses
Mais la guigne de sept années rôde dans ce coin
Et le spectre du désespoir reste tapi dans l'ombre.

Un miroir brisé au milieu des rideaux du palier :
Image fendue, compréhension fatiguée ...
J'essaie seulement de trouver un endroit
Pour y dissimuler mon foyer.

La férule mentale

J'ai vécu dans des maisons composées de verre,
Où chaque mouvement est mis en graphiques
Mais, à présent, les écrans des moniteurs sont voilés
Et je ne peux dire si les yeux silencieux sont encore là.
Mes paroles sont des araignées sur le papier,
Tirant en longueur foi, espoir et raison
Mais sont-elles convenables et justes
Ou seulement de la poussière
Qui s'accumule près de ma chaise ?

Parfois, j'ai l'impression
Qu'il y a quelqu'un d'autre ici :
L'épieur sans visage me met mal à l'aise;
Je peux le sentir à travers les lames du parquet,
Et sa présence s'insinue en moi.
Il m'apprend que je serai expulsé

Mais que signifient donc "dedans" et "dehors" ?
Je ne connais pas la nature
De la porte que je pourrais franchir,
Je ne connais point l'essence
De la nature qui m'habite ...

(Pourtant, à certains moments,
Dans les ruelles pluvieuses
Et les champs brûlants du soleil couchant,
Je me sens réel, vivant et chez moi)

J'ai vécu dans des maisons de brique et de plomb,
Où chaque émotion est sacrée
Si vous désirez en dévorer le fruit,
Il faut d'abord en renifler le parfum
Et coucher vos corps devant l'autel
Avec des poèmes, des bouquets et des journaux
Mais si vous en flairez le statagème,
Vous devrez choisir :
Rester et vivre en moines
Ou partir et devenir des vagabonds.

Quel est cet endroit que vous appelez "foyer" ?
Est-ce un sermon ou une confession ?
Est-ce le calice que vous utilisez comme protection ?
N'est-ce vraiment qu'un endroit où l'on peut rester ?
Est-ce un code juridique ou une conférence ?
Est-ce un coup bas de la part de votre protecteur ?
L'idole a-t-elle des pieds d'argile ?

"Le foyer, c'est ce que l'on en fait"
Me prétendent tous mes amis
Mais je vois rarement les leurs en ces sombres jours.
Certains d'entre eux sont des escargots
Qui transportent leur maison sur le dos;
D'autres habitent des monuments
Qui finiront par devenir des ruines.
Je maintiens mon foyer en place
Avec du papier collant et des clous en étain,
Mais je ressens toujours ici la présence d'une autre Force ...

Lui, qui fêle les miroirs et déplace les murs,
Continue à regarder fixement par les fentes
Des yeux des portraits dans mon hall.
Il ravage ma bibliothèque et tapote le téléphone.
Je ne L'ai encore jamais vu,
Mais je sais qu'Il est dans mon foyer.

Et s'Il s'en va,
Je ne peux rester ici non plus.
Je crois .. euh ...
Je pense ...enfin ...
Je ne sais pas ...

Ce qu'est le foyer

Je ne vis que dans une pièce à la fois,
Mais tous les murs sont des oreilles
Et toutes les fenêtres sont des yeux.
Tout le reste est étranger,
Le "foyer" est mon chant mimé :
Mmmmmmmmmmmmmaaaah !
Donnez-lui une chance !

Je suis entouré de chair et d'os,
Je suis un temple d'habitation,
Je suis un ermite et un parasite,
Et je me creuse un endroit pour y vivre.

De secrètes guirlandes autour de ma tête
Brisent un silence surnaturel,
La pièce s'assombrit,
Et, dans la lumière inflexible,
Je vois un visage que je connais.

Serait-ce donc le gars qui ne me montre jamais
Le miroir fêlé qu'il est en train de toucher ?
Il se contente de marmonner des prières
Vers le sol où il s'agenouille :
"Le foyer est le foyer est le foyer est le foyer
Est le foyer est le foyer est le foyer est moi !"

Vous tous qui cherchez vos maisons,
Ne faites pas de l'esbroufe,
Vous pourriez y briser vos lunettes
Et si cela vous arrive,
Vous savez que vous ne verrez plus rien.

Comment allez-vous donc trouver
Le lever du jour ?
Le jour n'est qu'un mot que j'utilise
Pour garder l'obscurité aux abois
Et les gens sont imaginaires :
Rien d'autre n'existe
Que cette pièce où je suis assis,
Et, bien entendu,
Ce brouillard qui se répand partout ...

Parfois, je me demande
Si même cela est bien réel.
Peut-être devrais-je épouiller cet endroit ?
Peut-être devrais-je déplacer ce pou ?
Peut-être suis-je bien loin de ma vie,
Aux confins de cette maison silencieuse ?

Parfois, c'est ici vraiment épouvantable,
Parfois, il y fait bien triste,
Parfois, je m'attends à disparaître,
Parfois, je pense ...


Pluie à trois heures du matin

Des gouttes de crachin dégoulinent
Et touchent ma joue,
Elles se confondent avec mes larmes
Tandis que je pleure silencieusement.
La fatalité de la vie exerce alors
Une pression plus rapprochée et sonde mes yeux
J'ai froid et faim ce soir.

Ces grands murs de briques noires
Me saluent et oppriment mon esprit
Exactement comme les mots des personnes
Que je pensais avoir laissés loin derrière moi ;
La présence des mots et des murs
Est trop proche et vraiment trop visible
Tandis que la pluie continue à se baigner dans mes larmes.

Un ivrogne me dévisage et détourne rapidement le regard ;
Il dissimule profondément à l'intérieur de lui-même
Tout le rituel de ce jeu étrange.
Il n'y a personne d'autre dans la rue,
Que ce vieil ivrogne en train de mourir et moi,
Ainsi que le chat qui se cache dans l'arbre.

Mes souvenirs s'étirent en arrière,
Alors que je continue à pleurer,
Vers des endroits où j'ai mal agi,
Bien que je ne sache toujours pas vraiment pourquoi.
L'enseigne lumineuse qui clignote proclame :
"Tout est néant là où habite l'homme"
Et dans l'obscurité, personne ne pardonne.


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