Peter Hammill

Quand on parle de rock progressif, trois noms viennent directement à l'esprit : Genesis pour le côté habillage musical d'une belle histoire, Yes pour la surenchère technique au service d'exploration de nouveaux territoires, King Crimson pour l'intransigeance absolutiste d'une démarche hermétiquement intellectuelle. Et on m'excusera si je ne cite pas un de vos groupes préférés, mais je me limite ici à la crème des crèmes.
Et pourtant, un génie, tant au niveau de la composition que de l'imagination, les dépasse tous, il s'agit de Peter Hammill, qui, à aucun moment de sa longue carrière en solo ou avec Van der Graaf Generator, n'a jamais succombé au piège de la facilité. Même ses compositions en apparence les plus simples témoignent d'une sincérité à toute épreuve. C'est qu'il ne triche pas, mais exprime avec force la gamme très diversifiée de ses émotions, face à des situations réellement vécues ou que son esprit hautement philosophique a imaginées.
De plus, au-delà d'un rock progressif déjà très jusqu'auboutiste, il n'aura jamais cessé d'expérimenter dans diverses directions, allant de l'électronique au classique, se payant même le luxe au passage, et sans le faire exprès, d'être le grand-père du mouvement punk de la fin des années 70 !
Vous l'avez compris, le personnage est indéfinissable, seuls ses textes permettent d'appréhender sa personnalité. Cela valait donc la peine d'essayer de les traduire, pour que vous puissiez encore mieux apprécier sa musique.


Discographie (par ordre chronologique des parutions, sauf pour les albums parus tardivement par rapport à leur contenu)

THE AEROSOL GREY MACHINE (1969)

Le début plus que prometteur d'une longue histoire. Conçu d'abord comme un album solo, l'ambiance y est essentiellement acoustique et teintée de la coloration psychédélique typique de l'époque. Pour des raisons contractuelles, il est sorti sous le nom du groupe Van der Graaf Generator. Le chant très diversifié de Peter domine déjà une musique inhabituelle, où des claviers déchaînés n'hésitent pas à concurrencer une ryhmique impitoyable, avant qu'une flûte ne plonge nos esprits dans une mélancolie indicible, où l'ironie rejoint les rivages de l'utopie, où le désespoir des situations culmine dans une quête de la vérité.

Mon titre préféré : Octopus (très enlaçant !)

Hugh BANTON : piano, orgue, percussions, voix
Keith ELLIS : basse, voix
Guy EVANS : batterie, percussions
Peter HAMMILL : voix, guitare acoustique
Jeff PEACH : flûte
THE LEAST WE CAN DO IS WAVE TO EACH OTHER (1970)

Le vrai début de la folle aventure Van der Graaf Generator. Avec l'arrivée du saxophoniste super-doué David Jackson, le son du groupe atteint des cimes de perfection dans le désespoir. Paroles et musique en osmose pour nous faire frissonner, pour attirer notre attention sur la fragilité existentielle de tout être humain, qui n'a pas choisi sa destinée et cherche constamment un refuge, où il serait à l'abri de tout désastre, mais s'il survit au déluge imminent, il ne pourra qu'inlassablement reparcourir le même chemin plein d'embûches. Je ne connais pas d'autre groupe aussi vital que Van der Graaf Generator, c'est tout dire !

Mon titre préféré : After The Flood (très impressionnant !)

Hugh BANTON : claviers, voix
Guy EVANS : batterie, percussions
Peter HAMMILL : voix, guitares, piano
David JACKSON : saxophones, flûte
Nic POTTER : basse
+ Gerry SALISBURY et Mike HURWITZ
H TO HE, WHO AM THE ONLY ONE (1970)

La montée dans la stratosphère. Dans la foulée de l'album précédent, le groupe développe davantage les climats de solitude absolue et de désespoir infini, avec des textes qui repoussent au-delà de tout entendement et de toute expression spatio- temporelle l'expression du mal profond qui ronge l'être humain, écartelé entre le bien et le mal, et dont nombre de ses actions se retournent contre lui. Au milieu de l'enregistrement, Nic Potter s'en va, et c'est Hugh Banton qui assurera désormais les lignes de basse (sur scène avec les pédales de son orgue). Un invité de marque sur une parabole contre les mirages du pouvoir et de l'argent : le leader de King Crimson !

Mon titre préféré : Lost (très atmosphérique !)

Hugh BANTON : orgues, piano, oscillateur, basse, voix
Guy EVANS : batterie, timbales, percussions
Peter HAMMILL : voix, guitare acoustique, piano
David JACKSON : saxophones, flûte, voix
Nic POTTER : basse
+ Robert FRIPP

FOOL'S MATE (1971)

La première escapade solo avouée. Probablement le moyen pour les novices de s'initier à l'univers tourmenté de Peter Hammill. Des compositions plus simples, plus courtes et plus variées, parfois faussement bucoliques (avec notamment l'aide de musiciens du groupe folk-rock Lindisfarne), mais qu'on ne s'y méprenne pas : des thèmes comme ceux de la solitude ou de la trahison du temps qui détruit la beauté du passé sont au coeur d'un album certes plus intimiste, mais néanmoins poignant. Et comme on retrouve l'équipe de Van der Graaf Generator partiellement ou au grand complet selon les titres, on a tout le loisir d'apprécier les qualités de chaque musicien.

Mon titre préféré : Child (très déchirant !)

Hugh BANTON : piano, orgue
Guy EVANS : batterie, percussions
Peter HAMMILL : voix, guitare acoustique, piano
David JACKSON : saxophones, flûte
Nic POTTER : basse
+ Rod CLEMENTS - Robert FRIPP - Ray JACKSON - Martin POTTINGER - Paul WHITEHEAD

PAWN HEARTS (1971)

Le chef d'oeuvre absolu. A emporter impérativement sur une île déserte. Une symbiose parfaite entre la musique aux accents déchirants et jusqu'auboutistes et l'expression de plus en plus diversifiée du chant de Peter, allant jusqu'au cri pour exprimer du plus profond de son être la synthèse aboutie des idées déjà abordées sur les deux albums précédents de Van der Graaf Generator : une analyse impitoyable de la dualité de l'être humain, source de désillusions, d'échecs et de situations suicidaires. Une lueur d'espoir pourtant : continuer à vivre pour faire de son mieux pour les générations qui nous suivront, et sortir ainsi du cauchemar vécu au sommet d'un phare, symbole de solitude.

Mon titre préféré : A Plague Of Lighthouse-Keepers (une longue fresque de 23 minutes, dont on sort transformé !)

Hugh BANTON : orgues, piano, mellotron, synthétiseur, basse, pédales basses, rasoir psychédélique, voix
Guy EVANS : batterie, timbale, percussions, piano
Peter HAMMILL : voix, guitares, pianos
David JACKSON : saxophones, flûte, voix
+ Robert FRIPP

68-71 (1972)

Compilation de la première époque de Van der Graaf Generator . Regroupe 2 titres de "The Aerosol Grey Machine" (Afterwards et Necromancer), 3 titres de "The Least We Can Do Is Wave To Each Other" (Whatever Would Robert Have Said , Refugees et Darkness 11/11), 2 titres de "H To He, Who Am The Only One" (Lost et Killer) et la face B du single "Refugees" (The Boat Of Millions Of Years).
 

FIRST GENERATION (SCENES FROM 69-71)

Compilation parue en 1986. Regroupe 2 titres de "The Least We Can Do Is Wave To Each Other" (Darkness 11/11 et Refugees), 2 titres de "H To He, Who Am The Only One (Killer et Pioneers over c.), 2 titres de "Pawn Hearts" (Man-Erg et A Plague Of Lighthouse-Keepers) et le single "Theme One".
 

CHAMELEON IN THE SHADOW OF THE NIGHT (1973)

L'enchevêtrement des univers. Un album solo où les expériences personnelles se mêlent, sources de réflexions sur les déceptions de la vie, aux considérations plus générales des albums du groupe, avec comme point commun la solitude de l'être humain qui, pour survivre, doit décider. Musicalement, les extrêmes se côtoient : tantôt quasi seul avec sa guitare ou son piano, tantôt rejoint par le reste du groupe, notamment pour une sorte de suite au monumental Pawn Hearts, Peter ne cesse d'étonner par le nombre de ses registres vocaux, tous très émotionnels. Parfois aride, parfois hermétique, toujours intriguant et passionnant.

Mon titre préféré : In The Black Room (la suite impressionnante du concept développé dans l'album Pawn Hearts !)

Hugh BANTON : orgue, piano, mellotron, basse, pédales basses
Guy EVANS : batterie
Peter HAMMILL : voix, guitares, claviers
David JACKSON : saxophones, flûte
Nic POTTER : basse

THE SILENT CORNER AND THE EMPTY STAGE (1974)

Un album impressionnant, qui vous tient en haleine du début jusqu'à la fin. Tantôt seul, tantôt épaulé par ses compères, Peter Hammill nous mène dans les méandres et les contradictions de la personnalité humaine, tant intérieures (l'adulte qui trahit les rêves de l'enfance) qu'extérieures (l'histoire des civilisations vouées à la décadence). Ses capacités vocales ne cessent de se démultiplier, et on peut en dire tout autant de ses talents diversifiés aux claviers pour tisser des ambiances denses, inquiétantes, qui ne vous laisseront pas indifférent. Et pour vous achever, la participation du guitariste de Spirit pour une odyssée science-fictionesque aux relents frippiens.

Mon titre préféré : A Louse Is Not A Home (une remarquable extension des thèmes développés dans la première époque de Van der Graaf Generator !)

Hugh BANTON : orgue, piano, basse, pédales basses
Guy EVANS : batterie
Peter HAMMILL : voix, guitares, claviers
David JACKSON : saxophones, flûte
Nic POTTER : basse
+ Randy CALIFORNIA

IN CAMERA (1974)

L'album le plus extrême de Peter Hammill et mon préféré. Il y joue d'une foule d'instruments, épaulé aux percussions pour 2 titres seulement et pour la programmation des claviers par l'ingénieur du son de Genesis. Et il y réussit la gageure non seulement d'y atteindre des sommets symphoniques par la magie des synthétiseurs, mais aussi d'y dégager une aura de soufre, lui permettant de tout remettre en question : rêves, illusions, apparences, croyances, dans un élan dévastateur qui balaie tout sur son passage, nous conduisant de titre en titre toujours plus loin dans l'incertitude et le désespoir qui nous menace, si nous ne maîtrisons pas nos démons intérieurs.

Mon titre préféré : Gog / Magog (une ambiance vraiment diabolique en deux parties : le déchaînement du mal, suivi de la punition des damnés en mode électronique expérimental !)

Guy EVANS : batterie
Peter HAMMILL : voix, guitares, basse, claviers
David JACKSON : saxophone
+ David HENTSCHEL - Chris JUDGE SMITH - Paul WHITEHEAD

oooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooSOMMAIRE PROGo oooooooo Retour au menu général